
Le mie parole, un giorno,
mi sono diventate estranee e ho taciuto.
E. J.
CANZONE DELLO STRANIERO
Sono alla ricerca
di un uomo che non conosco
che non fu mai tanto me stesso
se non da quando lo cerco.
Ha i miei occhi, le mie mani
e tutti quei pensieri simili
ai relitti di questo tempo?
Stagione di mille naufragi,
il mare cessa d’essere il mare,
diventa acqua gelida delle tombe.
Ma, più avanti, più avanti, chissà?
Una bambina canta all’incontrario
e regna la notte sugli alberi,
pastorella in mezzo ai montoni.
Strappate la sete al granello di sale
che nessuna bevanda disseta.
Con le pietre, un mondo si rode
d’essere, come me, di nessun luogo.
CHANSON DE L’ÉTRANGER
Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer,
devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.
(Chansons Pour le Repas de L’Ogre, Pierre Seghers, Paris 1947)
SEMPRE QUESTA IMMAGINE
Sempre questa immagine della mano e della fronte,
dello scritto reso al pensiero.
Come l’uccello nel nido, la mia testa è nella mia mano.
Resterebbe a celebrare l’albero, se il deserto non fosse ovunque.
Immortali per la morte. La sabbia è la nostra parte insensata di eredità.
Possa questa mano dove lo spirito s’è rannicchiato, essere piena di semi.
Domani è un altro termine.
Sapevate che una volta le nostre unghie furono lacrime?
Grattiamo i muri con le nostre lacrime indurite come i nostri cuori-infanti.
Non ci può essere salvezza
quando il sangue ha annegato il mondo. Non abbiamo altro che le nostre braccia
per raggiungere, a nuoto, la morte.
(Al di là dei mari, al di sopra delle vette, minuscolo pianeta non identificato,
mani urne, tonde mani piene, fuggite dalla gravità.)
Quando la memoria ci sarà resa, l’amore infine conoscerà la sua età?
Gioia d’un vecchio segreto condiviso.
All’universo s’aggrappa ancora la speranza del primo vocabolo; alla mano,
la pagina sgualcita.
Non c’è tempo che per il risveglio
TOUJOURS CETTE IMAGE
Toujours cette image de la main et du front,
de l’écrit rendu à la pensée
Tel l’oiseau dans le nid, ma tête est dans ma main.
L’arbre resterait à célébrer, si le désert n’était partout.
Immortels pour la mort. Le sable est notre part insensée d’héritage.
Puisse cette main où l’esprit s’est blotti, être pleine de semences.
Demain est un autre terme.
Saviez-vous que nos ongles autrefois furent des larmes?
Nous grattons les murs avec nos pleurs durcis comme nos cœurs-enfants.
Il ne peut y avoir de sauvetage
quand le sang a noyé le monde. Nous ne disposons que de nos bras
pour rejoindre, à la nage, la mort
(Au-delà des mers, au-dessus des crêtes, minuscule planète non identifiée,
mains urnes, rondes mains comblées, échappées à la pesanteur.)
Lorsque la mémoire nous sera rendue, l’amour connaîtra-t-il enfin son âge?
Bonheur d’un vieux secret partagé.
À l’univers s’accroche encore l’espérance du premier vocable; à la main,
la page froissée.
Il n’y a de temps que pour l’éveil.
(Le Seuil le Sable: Poésies Complètes, Paris Gallimard, 1990))
CANZONE PER L’ULTIMO BAMBINO EBREO
A Édith Cohen
Mio padre è appeso a una stella,
mia madre scorre col fiume,
mia madre luccica
mio padre è sordo,
nella notte che mi rinnega,
nel giorno che mi annienta.
La pietra è leggera
Il pane sembra un uccello
e lo guardo volare.
Il sangue è sulle mie guance.
I miei denti cercano una bocca meno vuota
nella terra o nell’acqua,
nel fuoco.
Il mondo è rosso
Tutte le griglie sono lance.
I cavalieri morti galoppano sempre
nel mio sonno e nei miei occhi.
Sul corpo devastato del giardino perduto
fiorisce una rosa, fiorisce una mano
di rosa che non stringerò più.
I cavalieri della morte mi portano via.
Sono nato per amarli.
CHANSON POUR LE DERNIER ENFANT JUIF
Pour Édith Cohen
Mon père est pendu à l’étoile,
ma mère glisse avec le fleuve,
ma mère luit
mon père est sourd,
dans la nuit qui me renie,
dans le jour qui me détruit.
La pierre est légère.
Le pain ressemble à l’oiseau
et je le regarde voler.
Le sang est sur mes joues.
Mes dents cherchent une bouche moins vide
dans la terre ou dans l’eau,
dans le feu.
Le monde est rouge.
Toutes les grilles sont des lances.
Les cavaliers morts galopent toujours
dans mon sommeil et dans mes yeux.
Sur le corps ravagé du jardin perdu
fleurit une rose, fleurit une main
de rose que je ne serrerai plus.
Les cavaliers de la mort m’emportent.
Je suis né pour les aimer.
(Chansons Pour le Repas de L’Ogre, Pierre Seghers, Paris 1947)